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Tout est bon dans la noix AOP

Si la grêle ne s'invite pas, la récolte de noix se présente bien pour Luc Tirard-Gatel.

Installé sur la ferme familiale en Isère, Luc Tirard-Gatel bichonne ses arbres et ses clients, sans mettre toutes ses noix dans le même panier.

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Cette année, la France croule sous les noix. Pas Luc Tirard-Gatel. Alors que la récolte de noix de Grenoble AOP bondissait de 40 %, ce nuciculteur bio installé à Charnècles, en Isère, comptait ses pertes. La moitié des fruits encore verts ont été emportés par la grêle le 21 juin 2022. En fin de compte, vu l’année exceptionnelle, cette demi-récolte a été « convenable ».

Mécanisation

Cinquième génération sur la ferme, il a succédé à son grand-père maternel en 1996. « La ferme était le trait d’union de la famille, où tout le monde venait boire le café le dimanche, se souvient-il. Je ne voulais pas qu’elle s’arrête ! » Depuis, elle a connu des évolutions. « Du temps de mon grand-père, on était dix à récolter dix hectares de noix. On montait en haut des arbres avec un câble pour les faire vibrer et faire tomber les noix. Aujourd’hui, un bras mécanique enserre le tronc et le fait vibrer. »

Installé seul, l’agriculteur a aussi eu besoin de se mécaniser pour pallier le manque de bras humains. Avec 15 ha de noyers à récolter et de la prestation de services pour amortir le matériel, octobre est un mois intense. Il fait alors appel à l’entraide et la famille. « Un éleveur chez qui je fais le foin m’aide à la vibreuse pendant que je conduis la ramasseuse à noix. »

Pour faire tomber les noix, un bras mécanique enserre le tronc et le fait vibrer; le conducteur est protégé par un toit de tôle. ( ©  B. Lafeuille)

Les onze autres mois ne sont pas chômés. Il y a notamment 1,5 ha de pêchers où 63 variétés se côtoient. « Quand j’ai renouvelé le verger vieillissant, je n’ai pas voulu de variétés de supermarché, explique l’agriculteur. En vente directe, je peux avoir de petits volumes de chaque variété. Comme certaines ont presque disparu, je mets ma parcelle à la disposition de l’Inrae et d’un pépiniériste. »

Il y a aussi des céréales et des prairies de fauche. Un vestige de l’époque où Luc Tirard-Gatel était éleveur laitier : « Lorsqu’il a fallu se mettre aux normes, j’ai préféré arrêter car la ferme est enclavée dans le village. C’est un problème en élevage, mais un atout en vente directe ! » Quand les 25 vaches sont parties, il a développé la noix et créé un atelier de maraîchage en libre-cueillette sur 1,5 ha, ouvert trois après-midi par semaine.

Tradition des mondées

La noix elle-même l’occupe toute l’année, une fois séchée dans le déshydrateur (en trois jours) ou sur le séchoir naturel à lattes (en un mois). « Je casse au fur et à mesure des besoins car la noix rancit hors de sa coque, poursuit-il. J’ai une casseuse-mondeuse, mais je la règle assez lâche pour éviter les cerneaux écrasés, donc il reste beaucoup à décortiquer à la main. ».

Une partie des noix sèche naturellement sur l'ancien séchoir à lattes. ( ©  B. Lafeuille)

Pour transformer la corvée en activité conviviale, il fait vivre la tradition des mondées entre amis et voisins. « Historiquement, les mondées tournaient chaque soir de ferme en ferme, explique-t-il. On se met autour d’une table avec des tas de noix cassées et des saladiers pour séparer les cerneaux des coquilles. On finit par un grand casse-croûte. » L’an dernier, il en a organisé une en Bretagne avec les clients d’une Amap.

Passé de la vente en coopérative à un schéma 100 % vente directe, le nuciculteur a trouvé des marchés diversifiés et rémunérateurs : des supérettes, des grossistes français et danois, des Amap à Paris et ailleurs. À côté de la noix coque, il fait faire de l’huile de noix dans un moulin à meule de pierre, vendue telle quelle ou transformée en cosmétique par un savonnier local. Le tourteau est vendu en farine pour la pâtisserie, ou comme substrat à champignons à une start-up.

Une autre fait des confitures et conserves. Les coquilles sont achetées par la ville de Grenoble qui s’en sert de paillage. Le bois est valorisé par des ébénistes ou finit dans la chaudière. « Tout est bon dans la noix, conclut l’agriculteur. Mais il faut prendre le temps de réfléchir et démarcher des gens. »

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